*Matière fertilisante et support de culture
Attendu depuis 2020, le socle commun approche à grands pas. D’abord notifié à la commission européenne fin septembre, il sera bientôt transmis au Conseil d’Etat pour avis avant sa publication prévue début 2026. Voici les principales clés pour comprendre cette réglementation et anticiper ses conséquences sur la filière de compostage des biodéchets pour les collectivités.
Qu’est-ce que le socle commun ?
Le socle commun est un corpus de deux décrets et deux arrêtés visant :
- à favoriser un meilleur niveau de qualité (au sens innocuité à ce stade) des matières fertilisantes utilisées sur les sols,
- à proposer une catégorisation de ces matières pour améliorer la transparence de leur mise sur le marché (création de 4 catégories : A1, A2, B1 et B2)
- à permettre la sortie du statut des déchets des matières remplissant les critères de la catégorie A1 en suivant une procédure contrôlée de management de la qualité.
Qualité : Un véritable progrès sur les plastiques
Sur la qualité de ces matières, on souligne une avancée majeure, celle de l’instauration d’un seuil unique sur les plastiques couvrant l’ensemble des catégories issues des déchets et plus strict que la norme NF U 44 051 actuelle. Ce seuil à ne pas dépasser passe de 1,1%MS pour les plastiques >5mm à 0,3%MS pour les plastiques >2mm. Concrètement, le socle commun devrait donc réduire drastiquement la quantité de plastiques diffusés dans les sols via le recyclage de matières organiques issues des déchets. Les filières de tri-mécano biologique des OMR et de déconditionnement des biodéchets des gros producteurs seront les plus impactés par la généralisation de ce seuil unique à l’ensemble des matières. En effet, les process utilisés pour la fabrication de ces matières conduisent à la fragmentation des plastiques, retrouvés in fine dans les parties fines des composts.
Concernant la présence d’ETM en mg/kgMS, la situation est plus complexe puisque chaque catégorie de matière dispose de ses propres seuils en ETM. Ainsi, si les matières A1, les plus qualitatives, sont bien soumises à des seuils globalement plus stricts que la norme NF U 44 051, les metteurs sur le marché qui le souhaitent pourront rester en catégorie A2 où les seuils sont identiques à la norme actuelle, voire plus tolérants, ou en B2 où les seuils sont les plus bas… Toutefois, cette variabilité des seuils est complétée par l’introduction de flux à la parcelle, identiques pour chacune de ces catégories, et dont le respect doit garantir que, quelle que soit la matière, les flux en ETM demeurent équivalents d’une parcelle à l’autre. Cette garantie est toute relative car en pratique seul l’agriculteur est responsable du bon usage de la matière, qu’elle soit de catégorie A1, A2 ou B2.
Enfin, il n’y a pas de changement notable pour les autres critères d’innocuité. Les seuils pour les CTO restent identiques à la norme NF U 44 051 et applicables à toutes les catégories de produits issues de biodéchets. S’ajoute, dans des contextes de pollution avérée, l’analyse des PCB et des dioxines. Et concernant les pathogènes, les mêmes critères que ceux prévus par la réglementation sanitaire s’appliquent.
Bien comprendre les catégories et leurs subtilités
Le socle commun fait apparaître 4 catégories de matières fertilisantes :
- Catégorie A1 “produit” : Il s’agit des matières disposant du statut de « produit ». Préalablement atteignable via une AMM ou un cahier des charges ministériel (par exemple pour les digestats IAA), ce statut devient nouvellement accessible à toutes les matières disposant d’une norme d’application obligatoire telle que la NF U 44 051 (à l’exception de la norme NF U 44 095 de co-compostage des boues d’épuration) et remplissant les critères d’innocuité. En tant que « produits », ces matières sont commercialisables auprès des professionnels comme des particuliers.
- Catégorie A2 “déchet” : Ces matières doivent disposer d’une AMM, d’une norme d’application obligatoire ou d’un cahier des charges ministériel mais ne peuvent (non atteinte des critères d’innocuité par ex), ou ne veulent pas, accéder à la catégorie A1. Seule contrainte pour ces matières A2, leur statut de « déchets » ne permet pas une valorisation auprès des particuliers. En revanche, elles sont parfaitement commercialisables auprès des utilisateurs professionnels. Elles disposent de seuils en ETM plus souples que A1 et permettent à leurs fabricants d’échapper aux obligations de traçabilité à parcelle des déchets prévues en cas de plans d’épandage réglementaires (B2). En termes d’usage, c’est la catégorie la moins contraignante pour les fabricants mais aussi la plus à risque pour les agriculteurs.
- Catégorie B1 : Il s’agit d’une catégorie dédiée aux effluents d’élevage, non concernée par la réglementation déchet.
- Catégorie B2 “déchet” : On retrouve dans cette catégorie des matières sous le statut de « déchets », valorisables via des plans d’épandage réglementaires auprès de professionnels agricoles, avec toutes les obligations que cela comporte en termes de traçabilité et de responsabilité pour leurs fabricants. Ce cadre contrôlé directement par les services de l’Etat permet un recyclage organique des matières les plus à risque de façon à sécuriser leur usage au sol. En effet, la catégorie B2 présente des seuils d’innocuité plus tolérants encore que A2 et implique donc un contrôle strict des flux à la parcelle. On y retrouvera notamment les boues d’épuration.
Conséquence pour la filière biodéchets, seules les matières A1 disposant du statut de produit pourront être valorisées auprès des particuliers. En termes de lisibilité et de transparence, un important travail de communication sera nécessaire pour que les utilisateurs professionnels saisissent les subtilités propres à chaque catégorie. A première vue, l’obtention de la catégorie A1 ne fait pas apparaître de réel avantage commercial par rapport au statut de déchets de l’A2. Mais en réalité, les matières A2 représentent une réelle prise de risques pour les agriculteurs. Ainsi, les matières A1 présentent l’avantage commercial de sécuriser l’utilisateur final et permettront ainsi d’établir une relation de confiance avec le monde agricole.
Sortie du statut de déchets : les plateformes ASQA déjà en conformité pour l’A1 pour les composts de biodéchets
Pour sortir un compost de biodéchets du statut de déchets, et prétendre à la catégorie A1, leurs fabricants doivent respecter trois critères :
- Vérifier la conformité du compost normé (44 051) aux critères d’innocuité de la catégorie A1,
- Mettre en place une démarche Qualité, ou un système de management de la qualité, couvrant les critères de sortie du statut de déchets, et vérifiée par un organisme tiers,
- Produire une attestation de conformité pour ce compost.
Ces obligations sont parfaitement atteignables comme en attestent les plateformes de compostage engagées dans la démarche ASQA (Amendement Sélectionnée Qualité Attestés) alignée sur ces critères depuis 2014.
La sortie du statut de déchet, à laquelle permet d’accéder la labellisation ASQA, sera bientôt indispensable pour valoriser les composts auprès des ménages et pour apporter au monde agricole les garanties nécessaires à l’usage de ces matières sur leurs terres.
