Le 12 décembre 2024
CONTEXTE
La directive SUP 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement prévoyait la mise en place d’une filière REP pour les lingettes humides pré-imbibées, avant le 31 décembre 2024. Dans sa transposition par la loi AGEC, le législateur français a convenu d’avancer cette échéance au 1er janvier 2024 et d’élargir cette REP à tous les textiles sanitaires à usage unique, soit plus de 2,4 millions de tonnes de déchets.
Toutefois, alors que le projet de décret instituant la REP, mis en consultation à l’été 2024, prévoyait bien un périmètre élargi conformément à la loi, le projet d’arrêté du cahier des charges actuellement en consultation restreint à nouveau le périmètre à celui de la directive SUP, soit uniquement les lingettes. Une telle décision revient à ignorer 99% des TSUU, à refuser le choix des parlementaires et à nier l’ambition environnementale de la loi AGEC.
I. L’ELARGISSELMENT DU PERIMITRE DE LA REP LINGETTES AUX TSUU EST ESSENTIEL POUR REDUIRE NOS DECHETS
Pesant pour près de 35 kg/hab.an, les TSUU représentent 14% des OMR. Leur quantité a triplé depuis les années 90faisant de ces déchetsle principal flux non recyclable encore présent dans nos poubelles. Son coût est estimé entre 720 et 800 M€ par an, porté quasiment exclusivement par les collectivités.
Une REP sur l’ensemble de ce gisement constituerait donc un levier immense pour réduire nos OMR et répondre ainsi aux objectifs réglementaires de réduction et de valorisation des DMA[1]. Elle permettrait, grâce aux contributions financières des metteurs sur le marché, de soutenir les alternatives réemployables, d’améliorer la recyclabilité des produits, avec notamment l’émergence de solutions industrielles compostables et de soutenir le déploiement de la filière biodéchets qui contribue déjà au recyclage des serviettes et des mouchoirs en papier (cf ANNEXE 1).
En revanche, les effets d’un périmètre restreint aux lingettes seraient dérisoires. En effet, les lingettes ne comptent que pour une partie infime du gisement[2]. Sans cet élargissement du périmètre à tous les TSUU, les montants générés seraient insuffisants pour enclencher de vraies politiques en matière de réduction des TSUU, pour lesquelles une mutualisation des moyens sera nécessaire. |
II. CET ELARGISSEMENT A DEJA ETE DECIDE PAR LES PARLEMENTAIRES ET INSCRIT DANS LA LOI
L’élargissement de la REP lingettes aux textiles sanitaires à usage unique a été adopté par les parlementaires lors de la transposition de la directive SUP par la loi AGEC. C’est d’abord en Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat qu’a été adopté un premier amendement visant à élargir le périmètre aux « textiles sanitaires »[3] ; et c’est ensuite en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale que Delphine Batho a fait adopter un amendement de clarification visant à préciser qu’il devait s’agir des textiles sanitaires à « usage unique »[4]. A l’époque, la secrétaire d’État Brune Poirson s’en été finalement remise à la « sagesse » de la Commission[5].
Ainsi, le débat sur le périmètre de la REP TSUU a déjà eu lieu au sein des instances parlementaires. Pour rappel, ce choix avait été motivé par le poids financier que représentent ces déchets pour les collectivités et le contribuable. De même, les parlementaires avaient conclu que les questions relatives au risque de hausse des prix des produits de première nécessité devaient être traitées dans un autre cadre[6], de sorte de ne pas perdre de vue l’ambition environnementale de la loi. Par conséquent, le nouvel arbitrage pris par le gouvernement et conduisant à revenir au périmètre de la SUP revient à ignorer la démocratie et va à l’encontre de l’intérêt général. Et ce alors même que des solutions existent pour éviter la hausse des prix des biens de première nécessité couverts par la REP.
III. DES SOLUTIONS EXISTENT POUR EVITER LA HAUSSE DES PRIX DES BIENS DE PREMIERE NECESSITE
Les TSUU comptent parmi eux des biens de première nécessité. Il n’y a pas de liste officielle pour désigner ces biens mais on peut relever principalement les couches pour enfants – 690 kT – et les protections d’hygiène féminine – 50 kT, soit environ 30% du gisement. S’assurer que la REP TSUU n’entraîne pas de hausse des prix sur ces biens est non seulement nécessaire mais surtout possible. Le ministère de l’Environnement a en effet la main pour demander au futur éco-organisme en charge de la REP d’intégrer une dimension sociale dans la part des contributions demandées aux metteurs sur le marché. Ainsi, il est parfaitement envisageable de réduire la part des contributions pour ses biens, voire de les exonérer totalement.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue l’objectif d’écoconception des produits. Ces mêmes produits sont aussi dénoncés pour leur écotoxicité et les substances dangereuses (perturbateurs endocriniens) auxquelles ils exposent les femmes et les bébés. A cet égard, il reste justifié de faire contribuer financièrement les produits n’ayant pas fait l’effort de réduire ces dangers. Il en va d’un enjeu de santé publique. Les contributions financières de la REP TSUU seraient alors modulées par des critères environnementaux, sociaux et de santé. Un progrès pour l’ensemble du dispositif REP.
CONCLUSIONS
La REP TSUU constitue un levier considérable pour les collectivités pour réduire les déchets, leurs coûts et leur empreinte environnementale. Ainsi, Compostplus demande d’élargir le périmètre de cet arrêté pour une mise en œuvre la plus rapide et la plus efficace de la REP TSUU. De plus, considérant les nécessaires mutualisations entre les différentes catégories de produits, les cahiers des charges doivent sortir de façon concomitante pour assurer, sans nouveau retard inutile, le plein potentiel de la REP.
[1] Objectifs : réduction de 15% des quantités de DMA par habitant en 2030 par rapport à 2010 ; Augmenter la quantité de DMA faisant l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation ou d’un recyclage en orientant vers ces filières 55 % en 2025,60 % en 2030 et 65 % en 2035 de ces déchets.
[2] Étude de préfiguration de la filière REP textiles sanitaires à usage unique – La librairie ADEME
[3] https://www.senat.fr/amendements/commissions/2018-2019/660/Amdt_COM-121.html
[4] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2274/CION-DVP/CD1045