En 2021, l’ADEME a lancé une étude sur la présence de microplastiques (MP) dans les Produits Résiduaires Organiques (PRO), incluant notamment les amendements issus des biodéchets des ménages. L’un des objectifs de cette étude était de déterminer la présence de MP sous les seuils d’analyse des normes actuelles, c’est-à-dire sous la barre des 5 mm dans le cas des amendements NF U 44 051, et ainsi anticiper les conséquences d’un éventuel renforcement de ces normes. Les conclusions sont à la fois bonnes et mauvaises, mais l’avantage est que nous connaissons maintenant le coupable.
D’abord une bonne nouvelle, ça passe globalement pour tous les PRO en cas de renforcement des normes
83 PRO, provenant de toute la France, ont été échantillonnés puis analysés dans le cadre cette étude : digestats, boues, broyats, effluents, soupes, composts, tous les types de matières y sont, ainsi que toutes les origines : IAA, ménages, gros producteurs, FFOM (issues de TMB), STEP, élevages agricoles. Les méthodes d’analyses, spécialement développées dans le cadre de cette étude, ont permis d’extraire les plastiques jusqu’à 50 μm.
Si on constate des différences significatives en masse de MP entre les PRO, leur teneur globale en plastique >2mm restent pour la plupart, comme le montre le graphe 1, en dessous des seuils prévus par le « socle commun », à savoir 3g/kg de MS (équivalent à celui du RCE 2019/1009). Sans surprise, cette étude met en évidence le rôle des processus de traitement dans le fractionnement des plastiques. En effet, les masses de MP les plus hautes sont observées pour les composts de TMB (6,30 g/kg MS), suivis des pulpes de déconditionnement des biodéchets (1,82 g/kg MS), puis des digestats de DCT et de biodéchets des gros producteurs (1,49 g/kgMS). De la même manière, on constate un nombre significativement plus élevé de MP au sein des composts de biodéchets dont les intrants ont subi un déconditionnement mécanique par rapport à ceux dont les intrants ont été triés à la source sans emballage.
Graphe 1 : Teneur de MP des fractions supérieures à 2mm (en g/kg MS)
Au vu de ces résultats, le renforcement des normes sur les teneurs en plastique prévu au « socle commun » contribuera à améliorer les processus industriels de traitement, en travaillant notamment sur la diminution de la fragmentation des plastiques, et permettra aussi de retirer du marché les matières plus polluantes. De quoi rassurer l’amont et l’aval !
Mais aussi une mauvaise nouvelle, sans grande surprise la pollution aux microplastiques est ubiquitaire !
L’ensemble des PRO, qu’ils soient d’origine urbaine ou agricole, présentent des quantités gigantesques de fragments de MP, dispersés dans la nature une fois épandus. Ramené en flux à l’hectare par an, le nombre de ces fragments s’échelonnent de 1,3 million pour les PRO d’origine agricole, à 1,15 milliard pour les composts de TMB, pour une masse comprise respectivement entre quelques centaines de grammes à plus de 125 kg/ha.an. Et un peu moins d’une dizaine de kilos pour les composts de biodéchets tout de même.
A l’heure où les études scientifiques tendent à mettre en évidence les effets écotoxicologiques des plastiques sur le vivant, ces données ont de quoi interroger nos modes de production. En effet, 80 % des impacts environnementaux des produits sont déterminés lors de la conception (2).
Des résultats qui pointent la responsabilité des emballages plastiques
A l’échelle mondiale, la production de plastique dépasse les 400 millions de tonnes en 2022 (3) et devrait tripler d’ici 2050. En Europe, 40% des plastiques consommés servent à la fabrication d’emballages.
Or, cette étude met en évidence la présence de 4 principaux polymères : PS, PE, PP et PET, majoritairement employés dans l’industrie de l’emballage (4), et notamment alimentaire. Le PBAT, polymère compostable utilisé en paillage agricole et pour l’emballage des fruits et légumes, se trouve aussi en quantité non négligeable, notamment dans les digestats. Toutefois, ces quantités pourraient être réduites par un post-compostage.
Ainsi, d’après le graphe 2, 87% de la pollution en MP des PRO relèverait des emballages plastiques.
Graphe 2 : Répartition des plastiques par type de polymère
Conclusions
Le renforcement des normes sur la présence des plastiques dans les PRO, toujours soutenu par Compostplus, est essentiel pour encourager l’amélioration des process de production. Cette étude montre notamment l’intérêt des étapes de prétraitement visant à diminuer le nombre de MP, notamment en amont de la méthanisation. Les performances du déconditionnement mécanique doivent aussi progresser et se standardiser. Malgré ces efforts, ainsi que la suppression de certains PRO les plus contaminés, le plastique, dans ses conditions actuelles d’usage, restera une source majeure de pollutions pour l’environnement et la santé. Atteignant l’ensemble des strates de la biosphère, il continuera de se disséminer pour tous les canaux. Face à ce phénomène planétaire, le geste citoyen, bien qu’il soit nécessaire, est totalement insuffisant. Pour l’enrayer, la réduction du recours à l’emballage plastique à tous les niveaux de notre société est prioritaire, et ce indépendamment des stratégies techno-solutionnistes fondées sur la recherche de matériaux plastiques compostables ou encore sur la digestion chimique des plastiques… promues davantage pour rassurer notre consommation que pour protéger notre environnement.
(1) Fractions fermentescibles des ordures ménagères
(2) Mobiliser pour accélérer la planification écologique
(4) European plastics converters demand by application and type in Plastics – the Facts 2022, Plastics Europe, octobre 2022